mardi 4 juin 2013

[Critique] Né quelque part : Un retour au bled, une expérience humaine (19/06/13)


NÉ QUELQUE PART 


De Mohamed Hamidi
Avec Tewfik Jallab, Jamel Debbouze, Fatsah Bouyahmed, Abdelkader Secteur…

Sortie le 19 juin 2013



Farid, un jeune étudiant français, se voit confier une mission par son père, malade : retourner en Algérie sauver la maison "construite pierre par pierre" par son paternel lui-même et son oncle d'une destruction imminente à cause d'un projet gazier espagnol. Il pense pouvoir régler le litige en trois fois moins de temps qu'il faut pour le dire, et retrouver sa vie à Paris, ses exams, sa vie amoureuse avec Audrey. Mais "au bled", rien ne se passe comme prévu. Il fait la connaissance de son cousin, surnommé le roublard, qui le guide dans le pays et lui présente. Et mal lui en a pris de lui faire confiance ! Le-dit cousin lui vole ses papiers et part en France... Commencent alors les sérieux ennuis.


© Mars Distribution
Pour son premier film, Mohamed Hamidi a choisit l'authenticité et la simplicité, la sincérité et l'énergie, pour raconter une quête d'identité sans oublier le parcours souvent compliqué des immigrés. Et une fois n'est pas coutume, il part du point de vue des enfants de la première génération d'immigrés algériens. On quitte enfin les cités grises gangrenées par les trafics, on laisse de côté les éternels clichés sur les "beurs" et autres "kaïras" (non pas comme le récent La Cité Rose). Et on découvre une comédie douce-amère, moderne, où l'humour dédramatise certaines situations délicates, où l'émotion touche au cœur directement. 

"On n'est jamais trop curieux quand il s'agit de sa propre histoire ?"


© Mars Distribution© Mars DistributionQuel adulte ne s'est jamais un jour interrogé sur ses origines ? D'où viennent mes parents ? Où ont-ils passé leur jeunesse ? Des questions d'autant plus légitimes lorsqu'il s'agit d'un fils d'immigré, qui se retrouve confronté à une histoire familiale et un pays d'origine dont il ignore tout. "Que veux-tu que j'aille faire en Algérie ? Je n'y ai jamais mis les pieds, et je ne parle même pas arabe", dit Farid à son père avant de partir. C'est avec une grande sensibilité, sans fioritures ou pathos, que Hamidi nous fait voyager au-delà des montagnes algériennes (ou plutôt marocaines, pour être exact) dans ce retour aux origines. Les décors, sublimes, avec le bleu et l'ocre comme couleurs dominantes. Le bleu du ciel et de la mer, communs à la France et à l'Algérie. Et le jaune, comme la terre, la peinture des murs et la chaleur des cœurs. Une fois plongé dans le pays, Farid est partagé entre des coutumes qu'il sait faire partie de son patrimoine familial, et "l'européanisme" dans lequel il a été élevé. On ne lui demande pas de choisir mais d'intégrer cela au plus profond de lui, comme une richesse intérieure. 
© Mars Distribution
Grâce à une galerie de personnages hauts en couleurs et très drôles (le vrai coup de cœur est pour le "réceptionniste" du seul téléphone du "bled", dont les appels rythment le film), le cinéaste dépeint le pays comme une terre de contrastes : entre la carte postale idyllique où les gens sont accueillants, toujours prêts à aider, tout en étant liberticide et pollué par la corruption et une administration rigide. 

© Mars DistributionL'empathie pour ces personnages s'empare de nous. Eux qui ont des rêves pas si extravagants, mais plein d'humanité et d'envie de mieux. Dans une scène clé du film, le cousin explique que son père aurait dû être celui envoyé en France pour travailler, et non le père de Farid. Quelle aurait sa vie si cela s'était passé ainsi ? A mesure qu'il découvre son histoire, Farid prend conscience des sacrifices faits par ses parents et les risques qu'ils ont pris pour améliorer la vie de leur famille. Ainsi, Né quelque part fait le portrait d'enfants issus de l'immigration, mais qui reste avant tout des enfants. Si le film est engagé (l'immigration, dans un sens où dans un autre, est avant tout une histoire humaine et non de provenance), il fait passer son message sans agressivité ni prosélytisme forcé. 

Résumé : Entre comédie pure et drame de la vie, Né quelque part est une jolie surprise remplie d'émotions vraies. Pour son premier film de Tewfik Jallab (Farid), le "Johnny Depp de chez nous", comme me l'a confié Jamel (Interview ici sous peu), est d'une justesse admirable. Voilà un comédien à suivre...

                

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