mardi 17 décembre 2013

[Critique] Mandela : entre haine et pardon (18/12/13)

MANDELA : UN LONG CHEMIN VERS LA LIBERTÉ


De Justin Chadwick
Avec Idris Elba, Naomie Harris, Tony Kgoroge...


Est-il encore besoin de présenter l'immense Nelson Mandela, pacificateur de l'Afrique du Sud des années douloureuses et dévastatrices de l'Apartheid ? Réaliser un biopic sur un personnage si illustre, et adoré du monde, et dont la vie a été un tel combat partagé entre haine et pardon, pouvait s'avérer être une mission impossible. Tout a été dit, vu, fait...  Et pourtant Justin Chadwick ne s'en sort pas si mal. On ne lui remettra pas le tableau des félicitations mais celui d'honneur pour avoir su condenser cette incroyable vie chaotique en deux heures et demie. Mais de façon trop classique et sans vrai point de vue fort, ni vision. Et pourtant il y avait de quoi transcender la formidable matière à disposition ! 



Chadwick se contente d'aligner chronologiquement les moments forts de la vie de Madiba, depuis son village natal jusqu'aux négociations politiques pacifiques. Bien sûr, rien est oublié, malgré des ellipses d'une décennie à l'autre qui donnent le vertige : ses études de droit pour devenir avocat - balayées par les Blancs qui n'approuvent pas son statut -, les débuts de son engagement idéologique contre l'apartheid, puis dans la lutte plus radicale avec ses frères d'armes dans l'ANC, sa traque par les autorités qui le mènent en prison pour 27 longues années...  Mais l'alternance entre les moments de guérillas urbaines et les instants volés plus intimes (comme sa rencontre avec Winnie, la femme qui l'accompagnera dans son combat) vire au catalogue temporel, d'un événement fondamental à un autre, comme dans Le Majordome

 © Keith BernsteinSi tout est parfaitement illustré, rien ne dépasse, tout est lisse et presque trop beau (esthétiquement). Ce qui finalement finit par empêcher le spectateur de s'attacher réellement à Mandela, même si l'aura du personnage et le charisme naturel d'Idris Elba sont bien présents. Ce dernier arrive a se glisser dans la peau de Mandela jeune, on ne peut pas trop dire la même chose plus vieux, son maquillage étant des plus ratés. Ces conditions pragmatiques mises à part, ce personnage devient intéressant par ses faiblesses qui font de lui un homme avant tout. On le découvre coureur de jupons, mauvais mari, père le plus souvent absent... L'homme qui a tout sacrifié pour sa patrie et ses convictions. Rien de bien nouveau, me direz-vous... Mais le voir autrement que l'homme public reconnu du monde entier le rend plus "humain".

 © Keith Bernstein
 © Keith BernsteinCe qui rattrape l'ensemble (un petit peu long) se trouve dans la dernière demi heure, avec l'emprisonnement du futur chef d'État sud-africain et les tractations secrètes avec le pouvoir en place. Mandela s'éloigne de tout élément affectif, de l'idéologie de l'ANC et de son épouse Winnie passée sous l'égide de l'activisme politique brutal. Des moments de tension formidablement interprétées par Idris Elba et Naomie Harris, animés tous les deux par leurs convictions contradictoires : le pacifisme contre la haine frontale. Une parfaite illustration de l'ensemble de la nation tiraillée entre deux camps, à la limite de la guerre civile, partagée entre la haine et l'envie d'avancer et de pardonner. Et des moments moins passionnés (car politiques,  finement amenés et écrits), mais tout aussi historiques, justifiant toutes les scènes de violence précédentes, sans pour autant verser dans l'hommage trop appuyé des nombreux morts du pays. 


En résumé : la volonté de sincérité, de respect et de fidélité au message politique est bien présente mais au final, on ne sait toujours pas qui est le "vrai" Mandela derrière l'icône mondiale. 




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