jeudi 6 février 2014

[Critique] Dallas Buyers Club : littéralement dévoré... par les performances (29/01/14)

DALLAS BUYERS CLUB

De Jean-Marc Vallée
Avec Matthew McConaughey, Jared Leto, Jennifer Gardner

Sortie 29 janvier 2014


1985. Dallas, Texas. Ron Woodroof (Matthew McConaughey) est un électricien et champion de rodéo. Homophobe,  ce cowboy redneck balade sa testostérone à la ceinture, menant une vie de débauche sans limite, alignant autant la gente féminine que les rails de cocaïne. Puis, sa vie prend un nouveau tournant lorsqu'il apprend par hasard qu’il est malade : une forme agressive de VIH, peu connu à l'époque. Le médecin lui donne 30 jours à vivre. Il survivra 7 ans de plus... Refusant de se laisser mourir sans se battre, il se documente sur ce virus, qu'on croyait réservé aux drogués et aux homosexuels. Il découvre ainsi qu'il existe un remède au Mexique, mais que ce traitement n'est pas autorisé par l’administration américaine. Contre l’avis de l’agence fédérale des médicaments, mais sous l’œil bienveillant d’un médecin compréhensif (Jennifer Gardner), il organise l’importation de ce traitement alternatif aux États-Unis. Avec l’aide de Rayon (Jared Leto), un transexuel également séropositif, il met en place un «club d’acheteurs». Son but ? Faire bénéficier aux malades comme lui cette thérapie parallèle en échange d’un abonnement de 400$. Philanthrope, mais pas trop...


© Ascot Elite FilmverleihTiré d'une histoire vraie, Dallas Buyers Club a tout d'un film à Oscars (il est d'ailleurs nominé dans 6 catégories pour la prochaine cérémonie). Contrairement à C.R.A.Z.Y (le précédent film de Jean-Marc Vallée, plutôt bon enfant), ce nouveau long-métrage se déroule sous une forme est classique, sans chichiPour raconter le parcours de galérien et la guerre que va mener le malade, l'arc dramatique joue sur des ressorts tracés d'avance. D'abord, incapable de croire à ce qui lui arrive, il s'installe dans la dépression, qui vire finalement à la colère, indispensable pour mener son combat de front face aux industries pharmaceutiques et aux agences gouvernementales. 
© Ascot Elite Filmverleih
Si dès le départ, le personnage de Matthew McConaughey et sa situation nous mettent mal à l'aise, nous déstabilisent et portent un regard tranché, on finit par compatir pour cet homme aussi odieux que déterminé. Ce qui s'annonçait être un film gênant et grinçant est finalement davantage un portrait édifiant d'une société intolérante car mal informée, n'utilisant pas un ton moralisateur ou la larme facile). La mise en scène conventionnelle est efficace, d'autant qu'elle est accompagnée d'un humour acide-amer sur la maladie


Des personnages "larger than life"


© Anne Marie FoxLa forme (plutôt passe-partout) et le réalisateur se seraient-ils fait manger tout-cru par les deux acteurs principaux, qui dévorent littéralement tout l'espace avec des prestations de très haut vol ? Fait exprès ou non, on en redemande ! Matthew McConaughey, le joli cœur blond de ces dames, nous attrape dès les premières minutes et ne nous lâche plus jusqu'à la fin. Au-delà de son apparence transformée à l'extrême (parfois visuellement insoutenable), il livre une performance d'une intensité rare. Opérant une transformation assez radicale depuis quelques années, il étoffe son jeu de film en film depuis La Défense Lincoln (renforcé par Killer Joe et Mud) avec des rôles d'une puissance et d'une profondeur qui lui sied à merveille. Et on aime ça ! Face à lui, Jared Leto ne démérite pas. Tout en finesse, les traits d'une beauté féminine troublante, il incarne un transexuel beau et rayonnant, dont la lumière s'affadit avec la maladie, mais reste profondément vrai.
© Ascot Elite Filmverleih

On est fascinés, dérangés, mais surtout bouleversés par ces comédiens qui offrent toutes les nuances de leurs personnages, finalement pas aussi détestables ou marginaux qu'ils étaient présentés au début. Malgré l'inévitable décrépitude des corps, meurtris par la maladie, les acteurs les habitent de façon remarquable, laissant comme un goût étrange de schizophrénie confondant le rôle et l'acteur. 

En résumé : Une grosse claque, où les acteurs prennent toute la place, sans pour autant faire oublier le propos, peu traité au cinéma. Et la preuve d'une grande modestie ou déférence du réalisateur face à ses acteurs...


Messages les plus consultés